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Critiques rédigées par benjamin.

 

Showing Up (Kelly Reichardt)

note: 5Attention fragile... benjamin. - 16 mars 2024

À 7 jours du vernissage de son exposition, Lizzy, céramiste, est embarrassée : son entourage entier semble s’être ligué pour l’empêcher de travailler et lui gâcher la vie. Il y a d’abord sa voisine (et propriétaire), elle aussi artiste sur le point d’exposer, et puis il y a son boulot, ses parents, son frère, son chat, un four, et surtout un pigeon qui entre dans sa vie par effraction ; il sera le fil rouge du film, l’agent révélateur d’une personnalité à fleur de peau, emplie de doutes, mal à l’aise parmi les autres. Car à travers les mésaventures et désarrois de son quotidien il s’agit bien de découvrir qui est Lizzy, d’apprendre à connaitre cette jeune femme touchante (Michelle Williams est parfaite) dont l’attitude revêche face au monde masque mal le manque de confiance, et dont l’urgence et la ténacité dans l’acte de création traduit la profonde sensibilité et le besoin inextinguible d’en passer par l’art (ingrat car la soumettant à la nécessité de trouver sa place dans une société de semblables qui réclame d'elle qu'elle justifie son statut), seul et unique moyen d’expression envisageable.
Depuis ses débuts, avec tact et précision, Kelly Reichardt étudie patiemment les comportements humains. Privilégiant une approche minimaliste, elle dresse dans ses films de fins portraits rendant justice à des personnages dont elle se place toujours à bonne distance, détaillant leurs vulnérabilités, leurs espérances, leurs illusions ; des presque-rien -ce qui fait de nous ce que nous sommes.
Un cinéma délicat et attentionné, qui rend meilleur.

Le Bleu du caftan (Maryam Touzani)

note: 5en toute discrétion benjamin. - 31 décembre 2023

Propriétaires d'une boutique de couture, Halim et Mina forment un couple à la vie sans histoire à l'arrivée de Youssef, jeune apprenti...
Sur cette base de trio amoureux somme toute assez mince (mais vite réinventé), ce magnifique film tout en retenue, dont la simplicité n'a d'égale que la beauté discrète des plans caressants d'abord chaque étoffes, puis chaque visages, chaque regards, chaque gestes, va lentement laisser se déployer une foule d'émotions d'une intensité peu commune. Depuis longtemps Halim et Mina ont décidé que les mots étaient inutiles dans leur relation ; bien plus que la parole, c'est le geste qui définit et guidera ces 3 personnages dominés par le non-dit, mais remplis de pudeur et de tendresse les uns pour les autres.
En substance, il en ressort que l'amour ne se mesure pas aux déclarations mais au respect et à la sincérité de l'attention portée, à la complicité et à la bienveillance. En 2024, une telle ode fait du bien. Elle est rare et précieuse, et Halim et Mina forment ainsi l'un des couples les plus beaux et les plus originaux du cinéma de ces dernières années.

Days (Tsai Ming-Liang)

note: 4pur et simple benjamin. - 6 novembre 2023

Composé de longs plans essentiellement fixes et quasiment muets (l'insert en début de film est de ce point de vue assez ironique, et doit être pris comme tel) quoique néanmoins sonores, mettant en scène deux personnages dont on ne saura pratiquement rien dans une urbanité tout aussi anonyme (il s'agit de Bangkok, mais cela n'a que peu d'importance), voici une proposition de cinéma réservée aux amateurs d'épures et d'abstraction. Les autres peuvent passer leur chemin.
Il s'agit ici de se laisser porter par les images, ressentir (et apprécier) la durée des plans, être présent sans chercher à aller au-delà de l'instant, de ce qui nous est montré, se rendre totalement disponible, plonger. Se dessinent alors quelques lignes, quelques ancrages donnant accès à un vaste champ des possibles que le cinéaste nous invite à investir selon nos envies, notre sensibilité, nos sentiments personnels... Libéré du carcan scénaristique, de la gymnastique rythmique, le film nous emmène ailleurs et c'est une expérience très rafraichissante, apaisante, et même fascinante (à ce propos, penser que c'est à la portée du 1er cinéaste venu serait une grossière erreur). Attention : rien de difficile ici, de conceptuel, d'intello' ; une proposition purement sensorielle -on est happé ou on ne l'est pas, on prend plaisir ou on lâche l'affaire.
Oui le cinéma abstrait existe, et Tsai Ming-Liang en est l'un des maitres depuis 30 ans.

I'm Your Man (Maria Schrader)

note: 3Ultra Moderne Solitude benjamin. - 5 novembre 2023

Vous vous souvenez du film HER, avec Joaquin Phoenix tombant sous le charme de son système d'exploitation ? Découvrez sa cousine européenne ^-^. Alma, chercheuse aussi cartésienne que seule dans la vie, accepte (plus ou moins) de tester une nouvelle invention : un androïde programmé pour devenir le partenaire idéal de celui ou celle qui l'achète.
L'intrusion de l'intelligence artificielle dans nos vies contemporaines et sa prépondérance est un sujet on ne peut plus d'actualité ; le cinéma en a quasi-fait un genre en soit, l'abordant sur tous les tons... Il prend ici l'aspect d'une "comédie dramatique" certes un peu anecdotique, mais malgré quelques limites dans sa façon de traiter du sujet aboutissant à une jolie réflexion, bien amenée et pas pompeuse, sur ce qui fonde la nature humaine -les liens sociaux, les émotions comme l'égoïsme ou l'empathie, ou encore (et surtout) notre rapport à la solitude...
On passe un bon moment, grâce notamment à des acteurs tous convaincants et au scénario qui ose prendre totalement aux sérieux les questions qu'il aborde, jusqu' à une fin de film assez ouverte sur les conclusions à tirer d'une telle expérience : quelle position avoir face à l'artifice ? Quand démarre la réelle émotion ? Peut-on faire cohabiter les deux ? C'est assez vertigineux, l'air de rien !

Tár (Todd Field)

note: 5Anatomie d'une chute benjamin. - 24 octobre 2023

L'affiche du film nous en montre le personnage central, Lydia Tar, tête en arrière et bras tendus, dans un mouvement de chute, sans que l'on sache ce qui en est à l'origine. A-t-elle été fauchée dans son élan ou s'est-elle déséquilibrée seule ? Une chose est sûre : elle tombera. C'est cette lente dégringolade que retrace magnifiquement TAR, portrait d'une personnalité géniale au sens propre (cette cheffe d'orchestre de renom A du génie) qui va voir sa vie jusque-là entièrement contrôlée, millimétrée, se dérégler par étapes malgré elle. Ou à cause d'elle ?
Rarement la forme aura autant épousé le fond qu'ici : tt n'est que maitrise et perfection -écriture, scénographie, montage, décors, mouvements de caméra, nous évoluons dans un univers fascinant mais dénué d’émotion, reflet de la personnalité de Lydia. Il n'est pas anodin que T. Field ai choisi une cheffe d'orchestre : outre la position d'artiste internationalement reconnue que cela implique, elle dirige surtt à la baguette tt ce qui l'entoure, rien ne doit lui échapper dans son métier comme dans sa vie privée, tt élément (objet comme humain) doit lui obéir sans délai. Là est son erreur : un tel règne ne peut exister au-delà de la musique ; la vie ne cessera jamais de se rebiffer, d'une manière ou d'une autre.
Chaque mouvement du corps de Cate Blanchett, regard, inflexion de voix, m'a impressionné. Voyez, revoyez ce grand film porté par une très grande actrice.

Nope (Jordan Peele)

note: 5Qui s'y frotte, s'y pique ! benjamin. - 27 septembre 2023

S'il fallait encore des preuves (après "Get Out" et "Us", excusez du peu) de la capacité de Jordan Peele à nous offrir du cinéma inventif, fun et intelligent, "Nope" vient plier la partie.
Sans rien dévoiler de l'intrigue (ne cherchez pas à en savoir trop) il me semble que par sa capacité à s'inscrire dans un genre très codifié (pas l'horreur, disons plutôt la SF d'épouvante/à suspense) tout en se le réappropriant totalement par ses choix de personnages (originaux et attachants), de décors (là encore singuliers, dont la topologie devient l'une des principales forces du film), de scénario (aux rouages complexes mais au déroulé limpide), il va encore plus loin que ses 2 précédents long-métrages, pourtant déjà ambitieux et tellement réussis, et s'inscrit ici parfaitement à la suite de chefs-d’œuvre tels qu'"Alien", "The Thing" ou "Shining".
Son incontestable talent de cinéaste (chaque scène contient son lot de bonnes idées originales, chaque plan son détail discret qui fera sens dans le récit) et son sens inné du divertissement (les chevaux, les nuages, les caméras, les coupures d'électricité, la pluie, les mannequins gonflables, etc. etc. on ne s'ennuie pas une seule seconde) se mettent en plus au service d'un sous-texte bien amené et bienvenu sur notre rapport malsain au tout-spectacle, à la marchandisation et à l'exploitation des êtres vivants (Gorki et Jean Jacket, même combat).
Tout ce que j'aime !!!!

Bones and all (Luca Guadagnino)

note: 2un peu faisandé... benjamin. - 28 août 2023

À part d'avouer qu'on est là face à un film poseur, de la provoc' paresseuse, gratuite (du "gore-chic"), le parti pris scénaristique autour duquel tourne tout le film (lié au régime alimentaire des personnages) ne peut se suffire à lui-même. Donc quel est le sujet de ce film ? De quoi parle-t-on à travers ça ? Le sentiment amoureux ? Mais la relation des 2 censés l'incarner est simpliste et n'évolue quasi-jamais une fois qu'ils se rencontrent. La vie marginalisée ? Apparemment ça ressemble à une longue balade en pick-up dans de beaux paysages... Le poids de la différence ? La société est quasi-absente du film (ce qui génère d'innombrables incohérences de scénario d'ailleurs) ; pour ce qui est de la famille, on évacue ça en 2-3 scènes (en 2 mots : c'est pas simple). Bref, tout ces sujets sont survolés, mal traités ou pas du tout, on s'ennuie un peu et on se questionne continuellement sur les motivations des personnages, jusqu'à un final certes spectaculaire mais qui ne sert à rien...
Reste donc : des images léchées avec de beaux acteurs blafards qui en font des caisses pour nous faire comprendre qu'ils sont malheureux et incompris (mais de qui ?) aux habits déchirés et tout tachés... de la pose quoi. Je sauve Mark Rylance et Michael Stuhlbarg qui font chacun impression dans les scènes les plus marquantes du film.

Un bref instant de splendeur (Ocean Vuong)

note: 5Beautiful Freaks benjamin. - 13 mai 2023

Qu’est-ce qui fait de nous ce que nous sommes ? Ne sommes-nous que le dernier maillon d’une chaine, le produit d’une histoire familiale ? Et comment se construire lorsqu’on part d’un champ de ruine ? Comment ne pas subir ? Contrecarrer la violence ? Le poète Ocean VUONG atteint les sommets avec ce 1er roman, puisant la beauté tragique enfouie au cœur de la peine. Lignes de vie et lignes de mort ne cessent de se croiser dans cette autobiographie faussement épistolaire à la mélancolie assumée (le jeune auteur a déjà connu la perte d’êtres chers), traversée de fulgurances d’écriture, d’images fortes, d’odeurs et de couleurs. Il est une caresse et un pansement pour tous ceux qui se sentent perdus, en décalage, livrés à eux-mêmes dans un monde hostile.
Vous aimerez aussi :
- Le cinéma de Greg Araki est un formidable explorateur de la jeunesse et des marges, en particulier "Mysterious Skin" et "White Bird", deux sommets, parmi d’autres.
- Le son de "Daydream Nation", album du groupe américain Sonic Youth, accompagnerait très bien cette ode aux laissés pour compte des banlieues et petites villes américaines.

Cave world (Viagra Boys)

note: 5Rock érectile benjamin. - 13 mars 2023

Pas de doute ici : vous saurez dès les coups de mitraillette du morceau introductif si ce son vibrant et méchamment excitant est fait pour vous, ou pas... Les guitares vrombissent, Sebastian Murphy (plus habité que jamais) vocifère superbement, derrière ça tabasse sévère, et même le saxophone (en furie) fonctionne ! Quel pied ! À peine le temps de reprendre son souffle et c'est la cavalcade "Troglodyte" qui déboule -un tube, point. Le reste de l'album est à l'avenant, alternant les accalmies moites ("Punk rock loser", "The Cognitive Trade-off..." , "Big Boy") et les claques sèches ("Ain't No Thief", "Return to Monkey") -des morceaux systématiquement inventifs ("Creepy Crawlers", "ADD"). Portés par des riffs imparables et délirants (tout comme les paroles aux images percutantes et/ou désespérées... "you ain't no ape, you're a troglodyte !"), avec un son toujours plus riche, étoffé et furieux, les Viagra Boys signent leur meilleur album : une tornade sonore classe et déviante, agressive mais sachant groover, faite pour danser et/ou se retourner la tête, toujours en équilibre au bord du chaos sans jamais chuter, qui trace sa route à fond la caisse sans se poser de questions. Mais il n'y a en réalité jusqu'ici rien a jeter dans leur discographie.

Decision to Leave (Chan-Wook Park)

note: 5Elle & Lui benjamin. - 3 mars 2023

Fasciné par une suspecte, un inspecteur de police (très) méticuleux se laisse déborder, jusqu’à remettre en question ce qu’il a de plus précieux : son intégrité professionnelle…
Ce film tout en dualités -narration en 2 parties, montagne et mer, polar bien ficelé et romance, sérieux et espièglerie, elle et lui- m’a passionné ! Les personnages sont beaux et originaux (bien loin de la femme fatale et du dur à cuire traditionnels) mais c’est surtout la mise en scène virevoltante avec ces moments suspendus, ces coups d’accélérateur grâce au montage inventif, ces motifs qui se répètent et se recouvrent -reflets et vagues (omniprésents)- qui renverse ; récompense cannoise bien méritée !
Si l’on pense beaucoup dans la 1ère partie au "Vertigo" d'Hitchcock avec ces filatures, ces faux semblants, l’idée du changement de point de vue comme moteur narratif, ce jeu subtil de séduction (la mise en scène lors des rencontres entre les 2 est, encore une fois, épatante), cette femme qui devient icône, objet du désir du personnage masculin, c’est finalement du côté de Wong Kar-Wai et d’"In the Mood for Love" que fini par pencher "Decision to Leave"… Les amateurs de ces 2 chefs d’œuvres ont toutes les raisons d’être conquis.

Coupez ! (Michel Hazanavicius)

note: 5Ça déchire ! benjamin. - 14 janvier 2023

Prenant pour point de départ le tournage du remake français d’un film de zombies japonais se passant sur un tournage (les fans de mise en abyme et de méta-films vont se ré-ga-ler), cette comédie pastiche et potache est la plus belle déclaration d’amour faite aux techniciens (qui déploient des trésors d’imagination pour rendre vivant un univers entier devant la caméra), aux acteurs (qui jamais ne s’arrêtent de jouer, quel que soit la situation), au cinéaste (qui tient coûte que coûte la barre, garde sa vision en tête, même si c’est dur…), et finalement aux cinéphiles qui ne demandent qu’à adhérer ! Bref, au 7ème art dans son ensemble.
La sincérité d’Hazanavicius est manifeste, tout comme son plaisir et celui des acteurs, l’autre pièce maitresse de la réussite de "Coupez !". Duris, Bejo, Zadi, Gadebois et bien d’autres… Difficile de n’en citer qu’un : ils sont TOUS bons, et servent parfaitement cet hommage à l’aventure collective que représente la réalisation d’un film.
C’est intelligent sans prise de tête, vraiment drôle, bourré de bonnes idées, et franchement original. Faites-vous plaisir. Action !

A Perfect Day : un jour comme un autre (Fernando Leon de Aranoa)

note: 4un jour sans fin.... benjamin. - 2 janvier 2023

C’est l’histoire d’un puit situé aux confins de la Bosnie-Herzégovine en pleine guerre civile, du cadavre qui y est retrouvé -souillant son eau- et de ceux qui veulent l’en sortir. Que faire lorsque la meilleure volonté du monde se heurte à une absence totale de coopération ? Sophie (Mélanie Thierry), Mambru (Guillermo Del Toro) et B (Tim robbins), trois humanitaires d’âges et d’horizons différents, vont le découvrir à leurs dépens au cours de cette chronique d’un repêchage avorté. Oscillant entre western et road-movie, cette longue quête immobile (on ne fait ici qu’attendre ou tourner en rond) se teinte très rapidement d’un humour désespéré alors que s’accumulent blocages et situations semées d’embûches (principalement des vaches...). Dans des paysages sauvages bien exploités, un casting international "trois étoiles" se met au service d’une narration fluide et parfaitement construite pour nous offrir un film poignant où l’absurdité et le rire ne font que mieux révéler la détresse et les larmes.
LA BO, plutôt rock, est excellente, ce qui ne gâche rien !
À découvrir !

Hit the Road (Panah Panahi)

note: 5"Ne me secouez pas, je suis plein de larmes" benjamin. - 26 novembre 2022

Quand la peine est trop forte, il faut faire diversion. Résister à l’envie de céder au chagrin pour mieux le repousser, ne pas sombrer. C’est ce que fait cette famille, en route pour un futur qui va la bouleverser à jamais, alors qu’autour la vie suit son cours -injustement- comme tous les jours. Eux roulent au bord d’un précipice, et tout devient prétexte à détourner l’attention : un chien galeux, un cycliste, une rage de dent, un plâtre, un téléphone, ou l’espièglerie de l’enfant qui n’a pas idée de ce qui se joue dans l’habitacle et dont la candeur permet à son insu aux autres de s’accrocher… Chacun porte un masque, que seule la musique met à bas lorsque l’un ou l’autre baisse la garde. Soudés comme jamais, ils s’envoient des déclarations d’amour non-dites, unis par ce pacte à peine exprimé : faisons durer ces instants le plus longtemps possible.
Acteurs exceptionnels (les visages des parents, la fragilité du fils, le naturel du plus jeune), narration toute en retenue, plans remarquables, utilisation superbe de la musique... Tout ça fait de ce film un sommet de pudeur -et de cinéma.
Panah Panahi (dont c'est le 1er long-métrage) est le fils de Jafar Panahi, très grand cinéaste (toujours en activité, mais persécuté encore aujourd'hui) ; le cinéma iranien n'a décidément pas fini de nous bouleverser.

Ego (Hanna Bergholm)

note: 2Oiseau de malheur ! benjamin. - 25 octobre 2022

Ce film de genre plein de bonnes intentions (c’est-à-dire qu’il tente des choses et sort des sentiers (re)battus du film d’horreur) à beau être original et ambitieux, il est aussi un brin poseur et maladroit (voir la scène d’ouverture pour s’en convaincre… Bof bof comme entrée en matière). La critique (pourtant bienvenue) de la mise en scène de soi à outrance et de la recherche d’une perfection (factice) à donner à voir -massivement stimulées aujourd’hui par les réseaux sociaux- est plaquée, démonstrative, et les personnages tous un peu trop caricaturaux. Cela fini par étouffer le vrai sujet du film, plus intéressant à mon avis : comment se manifeste (s’incarne !) la colère refoulée, devenue boule de haine, engendrée par une relation mère-fille toxique.
(Re)voyez plutôt le génial "Chromosome 3" de David Cronenberg, auquel "Ego" se réfère, et "Relic", autre tentative récente de film d’horreur émouvant (oui oui) traitant de l’intimité, très réussi et qui vaut le coup d’œil je trouve (en plus, il est disponible dans nos rayons !).

Soul Kids (Hugo Sobelman)

note: 4Stax'ifaction ! benjamin. - 25 octobre 2022

Que voilà un film qui fait du bien !
Alors que Memphis est une ville laissée pour compte, elle s'appuie sur son Histoire et sa culture pour offrir à sa Jeunesse de nouveaux horizons. Un institut de musique gratuit et ouvert à tous s'est en effet créé dans les anciens locaux de Stax Records (la maison de production de musique soul la plus renommée au monde avec la Motown). C'est donc par la musique, et la soul en particulier, que vient le salut.
Les adolescents sur lesquels se concentre le film sont transformés par la musique, transcendés même ! Nous les suivons en répétition ou lors de discussion avant et après ; leur joie, leur volonté et leur regard tourné vers l’avenir sont non seulement rafraichissants, mais ils stimulent et donnent des raisons d’espérer !
Salutaire !

Gutland (Govinda Van Maele)

note: 4La métamorphose benjamin. - 22 octobre 2022

Ça commence comme un western classique : un étranger à l’air patibulaire débarque à pied dans un petit village isolé et frontalier… Qui est-il ? Que cache-t-il ? Est-il une menace pour la communauté ? Au fil de son intégration, c’est à Chabrol que l’on se met à penser : description acide d’un microcosme replié sur lui-même rempli de faux-semblants, de petits secrets et de non-dits ; et si c’était lui qui était menacé par eux ? Le film poursuit alors son glissement vers autre chose, plus fou, plus surprenant, toujours intrigant, avec cette ambiance de polar larvé et cette campagne filmée comme une (magnifique) prison qui "englouti" le personnage, que l'on sent traqué, toujours sur le qui-vive, dans l’attente comme nous d’un coup qui viendra forcément, mais on ne sait d’où…
Un film original et prenant de bout en bout, tout en tension. Mention spéciale à Frederick Lau, acteur métamorphe fascinant à regarder !

Serre moi fort (Mathieu Amalric)

note: 5Si loin... Si proche... benjamin. - 23 juillet 2022

Qu'est-ce qui pousse cette maman à partir un beau matin ? À quitter son mari et ses 2 enfants sans se retourner, et sans plus donner aucune nouvelle ? Elle garde pourtant un lien si fort avec eux, les convoquant sans cesse à sa mémoire... Où est-elle donc partie, si seule, alors que sa famille poursuit sa vie, sans elle... ? Leurs existences semblent condamnées à devoir ne plus se croiser, mais restent connectées par d'incessants échos, des évocations, des projections... Parviendra-t-elle à les rejoindre ? Les retrouvera-t-elle ? La réponse réside peut-être dans ces polaroids qu'elle manipule tel un jeu de Memory lors de la scène d'ouverture...
Je vous invite à le découvrir par vous-même en suivant ce jeu de piste de toute beauté concocté par Mathieu Amalric. Son film est un bijou d'émotions fortes.
Vous pensiez Julianne Moore unique ? Non, il y a l'intensité de jeu de Vicky Krieps dans "Serre-moi fort". Elle y est bouleversante.

Goat Girl (Goat Girl)

note: 4De la musique sauvage et effrontée ! benjamin. - 23 juillet 2022

Sans aller jusqu’à prétendre qu’il va changer la face du monde, voici un album vraiment réjouissant. Dans la pure tradition garage-punk (2 guitares, basse/batterie) le quatuor féminin enchaîne les titres courts : 14 morceaux en 40 minutes entrecoupés d’interludes bricolés. Le son est sale, volontairement bruitiste, la posture pleine de morgue et de second degré, l’atmosphère chargée de violence qui ne demande qu’à s’exprimer. Tout ici suinte la colère rentrée : des feulements menaçants de Lottie « Clottie » Cream -dont la voix mi-plaintive mi-détachée n’est pas sans rappeler la pionnière Courtney Love- aux soudaines déflagrations sonores qui émaillent des chansons bien écrites. Toutes guitares dehors, ces filles de PJ Harvey et cousines londoniennes de Courtney Barnett (dont vous trouverez également les albums dans nos collections) vous proposent un superbe album à la fois déglingué et élégant ; en un mot : rock.

Une vie démente (Ann Sirot)

note: 5The Mother benjamin. - 18 juillet 2022

Bruxelles. Suzanne, septuagénaire vive et indépendante, dirige avec passion un centre d'art contemporain. Son fils Alex -et sa compagne Noémie- s'étonnent en constatant chez elle certains signes -avant coureurs d'une maladie dégénérative déjà à l’œuvre, et qui va s'amplifier... Du diagnostic à l'acceptation, nous allons suivre cette tranche de vie étape par étape à leurs côtés, selon leur point de vue, en découvrir les impacts au quotidien sous la forme d'une chronique simple et sobre au ton résolument tragi-comique.
Aucun pathos ici, aucune lourdeur (bien au contraire). C'est de la pertinence des situations décrites, du jeu merveilleux de naturel des acteurs (Jo Deseure impressionne dans le rôle de Suzanne) et de toute l'empathie du regard porté que nait l'émotion, forte et juste. Notons aussi quelques discrètes idées mettant en lumière un joli sens de la mise en scène, tout en rimes : ces notes colorées parsemées ici et là (costumes et décors assortis) comme pour manifester l'impression d'irréalité des situations vécues, ces plans récurrents sur une œuvre d'art faisant écho à l'état d'esprit de Suzanne autant qu'à son amour inconditionnel pour l'expression artistique (qui perdurera !), et puis l'intervention toute en finesse de la musique de Nils Frahm et de French 79 venant souligner magnifiquement 2 scènes clés ...et faire couler quelques larmes libératrices.

Spiral (Darkside)

note: 5Dope ! benjamin. - 23 avril 2022

Savant mélange d'électro planante mâtinée de sonorités orientales et de transe rock (psyché et kraut -I'm the Echo, Inside Is Out There, Lawmaker), cet album passionnant, jamais agressif (pas de rythmes effrénés ici, plutôt du mid-tempo), réussit le pari de rendre la musique "expérimentale" émouvante et grand public (Only Young, Spiral, The Limit). Derrière les nappes de sons superposés, les guitares (acoustiques et électriques) ne sont jamais loin (Liberty Bell, Only Young, The Question Is to See it all, Spiral, Narrow Road) ; j'aime beaucoup la place qu'elles occupent tout au long de l'album.
L'excellence instrumentale de l'ensemble, la voix hypnotisante de Nicolas Jaar et la qualité de la production (écoutez l'album au casque : décollage immédiat !) en font un parfait compagnon de voyage... en voiture ou au-delà de la perception ^-^ ! ! Une belle (et douce) claque !
Vous aimerez aussi : - D'une autre époque certes, mais Pink Floyd est ici une influence évidente je trouve (époque Syd Barrett : "The Piper at the Gater of Dawn" et "A Saucerful of Secret"...).
- Les membres d'Animal Collective (une discographie longue comme le bras) feraient de bons cousins zinzins de ce duo -dont le 1er album "Psychic" (paru en 2013) vaut tout autant le détour.

Mezkal (Kevan Stevens)

note: 3very bad trip benjamin. - 13 avril 2022

À la mort de sa mère, Vananka (un peu paumé de nature) décide de se laisser dériver vers le Mexique et son père (qu'il n'a pas eu le temps de connaitre et dont le souvenir le hante). L'aventure commence. Elle aura des hauts (ah, l'amour...), pas mal de bas aussi (ah, le trafic de drogue...). Son trip va en effet glisser par paliers vers l’ultraviolence, le lâcher prise, et une dinguerie généralisée qui va le faire de plus en plus ressembler à un cauchemar éveillé.
Bourrée d'humour (d'excellentes punchlines, un duo de clebs fendard, des affreux sales et méchants à chaque coin de rue, j'en passe), cette intrigue débridée sur fond de chamanisme (faut pas toujours chercher à comprendre) bénéficie également d’un personnage principal d’une coolitude digne des plus grands et d'un dessin cru et bariolé du plus bel effet, oscillant entre L'Incal et RanX. Les amateurs d’univers tels que ceux de Total Recall (version Verhoeven bien entendu) et Mad Max (Fury Road & co) s’y retrouveront également.
Bon, ceci dit le délire psyché-punk atteint ses limites en fin de volume, lorsque le récit ne semble plus du tout intéresser ses auteurs et qu’il vire au bâclage balancé vite fait bien fait... Ne reste alors que le déluge graphique -impressionnant et jouissif, mais qui ne fait pas tout…

La Loi de Téhéran (Saeed Roustayi)

note: 5Tehran Connection benjamin. - 11 avril 2022

Dès la course-poursuite qui ouvre le film le ton est donné : cette narco-enquête effrénée au cœur de Téhéran ne cessera de nous surprendre par ses retournements de situation -les changements d'axes narratifs et contrepieds constants pris par l'excellent scénario déjoueront les attentes des spectateurs les plus aguerris. D'abord centrée sur la traque policière (haletante, sans temps mort), l'histoire amplifiera encore son intensité dans un second mouvement, lorsque le trafiquant lui-même rejoindra l'équation, la complexifiant, la nuançant... "Tout est lié à tout" est-il dit dans une scène clé : on a en effet l'impression qu'une longue chaîne s'assemble au fur et à mesure de cette intrigue parfaitement construite. Car si la vitesse est le nerf de la guerre qui oppose le flic au trafiquant (2 personnages originaux incarnés par 2 acteurs épatants) -les 2 faces d'une même pièce- la mise en scène mesurée ne cède jamais à la frénésie, reposant plutôt sur des séquences longues bien cadrées, bien découpées, à la tension décuplée. C'est une radiographie au vitriol de l'Iran moderne que nous propose Roustayi par le biais de ce voyage intense d'une noirceur totale en tous points passionnant. Un grand film et un nouveau grand cinéaste à ajouter au crédit d'un Cinéma qui ne cesse d'être au sommet (le meilleur ?) du paysage mondial depuis 20 ans. Revoir les filmo complètes de Jafar Panahi et Asghar Farhadi pour s'en souvenir.

Gagarine (Fanny Liatard)

note: 42021, la cité de l'espace benjamin. - 22 mars 2022

Voici un OFNI comme seul le cinéma français sait en produire (j’exagère …mais quand même !), qui nous fait réfléchir, nous émeut et nous propose de vrais morceaux de cinéma en prime ! Dès les 1ers plans on sent que cette approche de la banlieue ne sera pas une simple chronique sociale -magnifiques images qui jouent avec l’espace bétonné des cités, rendent mystérieuses ces immenses façades rectilignes et ces barres d’immeubles délabrées. Ce désir de prendre le contrepied est confirmé par l’originalité des personnages principaux du film, tous 3 volontaires, débrouillards et combatifs, symboles des habitants et de la jeunesse de ces "grands ensembles" qui ne font pas partie du problème (comme on l’entend trop souvent) mais bien de la solution, et à qui on ne donne jamais la parole, ni ne demande même jamais l’avis. Faisant le choix d’une narration positive à tendance poétique (certes maladroite parfois, mais seulement à la marge), les cinéastes nous disent à juste titre que l’on a tort de se passer de cette richesse humaine bourrée d’idées, aux rêves infinis, qui si on prenait le temps de l’écouter se révélerait capable de soulever des montagnes (et décoller des immeubles !).
Vous aimerez aussi : les documentaires "Swagger" et "Les Indes Galantes", tous 2 superbes, prouvent également que la jeunesse de banlieue est aussi passionnante et forte qu’elle est méconnue.

Je suis une fille sans histoire (Alice Zeniter)

note: 5Le récit ou La vie benjamin. - 10 janvier 2022

Le récit est partout autour de nous. Dès que quelqu'un prend la parole, qu'on ouvre un livre, un journal -dès qu'il y a échange- il surgit. Se raconter des histoires -créer du récit- est en quelque sorte le propre de l'être humain. Cela lui confère un pouvoir immense, mais en fait également une arme redoutable : il nous aide certes à transmettre, à partager, à vivre, mais -indépassable- il s'impose aussi constamment à nous, infuse le réel et les consciences, imposant des présupposés, des clichés, des schémas dominants ; il simplifie le réel et multiplie les angles morts. Ne faudrait-il donc pas s'en méfier ? Ne pas en être dupe en tout cas, en connaitre les codes, les mécanismes, et savoir s'en emparer pour ne plus le subir, c'est ce que nous explique Alice Zeniter (et plus encore) dans ce texte intelligent, pince-sans-rire et très instructif.

Les six fonctions du langage (Clémentine Mélois)

note: 5"j'dis ça j'dis rien" benjamin. - 7 décembre 2021

Véritable amoureuse de la langue française, Clémentine Mélois en a fait son terrain de jeu. Telle une éthologue des mots, elle n’a de cesse d’observer la façon dont nous les utilisons, les triturons, les maltraitons -bref en usons et en abusons- quotidiennement. De cette étude minutieuse des éléments de langages agaçants, tics verbaux horripilants et autres phrases toutes faites lassantes, est né ce vrai-faux roman photo hilarant (c'est vraiment super-drôle ; mais où a-t-elle trouvé toutes ces trognes ?!), objet livresque pas tout à fait identifié dans lequel elle déploie son art du pastiche, du détournement …et de la dinguerie ! Voix familière de l’émission de radio "Des Papous dans la Tête", elle en prolonge ici l’esprit : poser un regard aussi érudit que rieur sur ce qui nous entoure, porter l’intelligence très haut sans jamais la prendre au sérieux.
100% pur Décalage, avec de vrais morceaux de surprises dedans, de beaux éclats de drôlerie, et garanti sans conservatisme !
Les amoureux transi’ de Fabcaro devraient notamment s’y retrouver,
JAVOU.

Kajillionaire (Miranda July)

note: 4goûte mes freaks benjamin. - 9 octobre 2021

Dans cette variation libre autour du thème de l’enfant sauvage -le personnage principal n’ayant pas été élevé en pleine forêt par des loups mais en plein Los Angeles par 2 escrocs manipulateurs et puérils (excellents Richard Jenkins et Debra Winger) ce qui n'est pas franchement mieux en terme de construction de soi- la cinéaste/poétesse Miranda July suit l’émancipation d’Old Dolio (oui oui c’est son prénom, et qui a du sens en plus vous verrez^-^), jeune freak de 26 ans qui n’a jamais connu que l’arnaque comme mode de vie et rapport au monde (de quoi avoir le cerveau bien flingué).
Le regard tendre et empathique de July sur ces personnages d’inadaptés sociaux, de marginaux, de désaxés, nous les rend tous attachants (même la méchanceté se teinte de maladresse congénitale), son attrait sincère pour la bizarrerie et sa capacité à aller au bout d’un scénario aux situations oscillants entre humour et malaise, font de cette petite comédie sympathique une jolie réflexion sur la découverte des sentiments, l'éducation, les liens familiaux et leur impact sur la construction émotionnelle d'un individu.
Vous aimerez aussi : - "Moi, toi et tous les autres", 1er long-métrage de Miranda July, déjà drôle, juste et touchant.
- "Punch-Drunk Love" de Paul Thomas Anderson, magnifique histoire d’amour et portrait d’un grand (grand !) timide (Adam Sandler dans un beau contre-emploi) à la mise en scène superbe. À découvrir !

Abou Leila (Amin Sidi-Boumédiène)

note: 5a history of violence benjamin. - 18 juillet 2021

Dans le sud algérien, deux amis sont à la poursuite d'un homme, assassin terroriste qu'ils soupçonnent s'y être caché. Mais à mesure qu'ils s'enfoncent dans le désert les tourments intérieurs se renforcent, révélant les traumatismes profonds à l'origine de cette quête : ce qu'ils traquent n'est autre que la violence elle-même, la sauvagerie aveugle qu'ils subissent et qui finit par les contaminer tous deux, à l'image de l'Algérie toute entière. Car c'est bien de la "décennie noire" qu'a subi l'Algérie (succession d'attentats plus meurtriers les uns que les autres -guerre civile qui ne dit pas son nom) durant les années 90 que traite en creux ce faux polar aux allures de western. Un film inspiré, visuellement et narrativement scotchant, ménageant un suspense haletant jusqu'au bout, qui emprunte des chemins détournés (à la limite du fantastique) pour nous présenter une réflexion pertinente sur la violence et ses effets. Grosse claque !
À ne pas manquer : le passionnant entretien qui accompagne le film avec son réalisateur, Amin Sidi-Boumédiène.

The Climb (Michael Angelo Covino)

note: 5Amitié sincère benjamin. - 10 juillet 2021

Kyle est aimable, gentil, compatissant : un vrai mec bien (tout le monde le dit). Mike est égoïste, buté, antipathique : un vrai salaud (même lui le reconnait). Ils se connaissent depuis toujours, ont grandi ensemble et, malgré toutes les crasses, tous les accidents de la vie, finissent immanquablement par se retrouver. Ce qui les unis à ce point ? Une totale sincérité et une réelle bienveillance l’un envers l’autre. Oui, derrière les maladresses Kyle et Mike ne se veulent que du bien.
Sous ses airs de comédie grinçante et neurasthénique, "The Climb" cache un superbe hommage à cette alchimie des sentiments, cette symbiose qu’on appelle l’amitié. Construite sur un enchainement de plans-séquence géniaux entrecoupés d’intermèdes musicaux savoureux, la mise en scène est aussi inspirée que les situations et les dialogues, et le tout est porté par un duo d’acteurs/réalisateurs impliqués à 200% dans leur projet de cinéma (ils ont quasi tout fait à 2). Super film !
Vous aimerez aussi : - "Bellflower", romance postapocalyptique basée sur un duo de potes à-la-vie-à-la-mort, autre film à tout petit budget rempli de bonnes idées (dans notre catalogue VOD).
- "Thunder Road", pour ce personnage borderline qui crée le malaise partout où il passe. Encore un petit budget et un auteur qui fait tout sur son film (en DVD et VOD).

Oeuvre non trouvée

note: 4juste quelqu'un de bien benjamin. - 30 juin 2021

Peut-on faire une ode au lien social, aux petites attentions et à la gentillesse dans un film situé presqu'exclusivement en milieu carcéral ? La réponse est clairement oui avec ce court-métrage d'1/2-heure drôle et touchant qui atteint son but sans en rajouter : faire du bien. Faites connaissance avec Richard, gardien de prison plutôt sensible, discret et empathique, campé tout en candeur par l'excellent Oscar Isaac (découvert et apprécié dans "Inside Lewyn Davis", "A Most Violent Year", "Ex_Machina", ou encore la mini-série "Show Me a Hero"). En manque de contact, et alors qu’un changement de poste inopportun le contraint à plus d’isolement encore, son besoin de s’impliquer dans des relations humaines va reprendre le dessus de manière inattendue… Un petit film vraiment chouette !
Vive le court-métrage !

Petites coupures à Shioguni (Florent Chavouet)

note: 5"il dit qu'il voit pas le rapport (de police)" benjamin. - 7 juin 2021

Reconstitution mosaïque d'un chassé-croisé nocturne entre pieds-nickelés nippons embarqués dans une folle histoire de vol de veste, de braquage de restaurant, de tigre et d'hippopotame (sic), il me serait bien difficile de rendre justice en quelques mots à une telle BD ! Dessins et couleurs superbes -juxtaposition de matières, d'ambiances et d'esthétiques (passages en noir et blanc, cases pleine page, recours au fish-eye, j'en passe)- scénario cinématographico-burlesque jubilatoire, narration éclatée étourdissante, le tout empaqueté dans un fabuleux patchwork formel, assemblage d'indices en tous genres (cartes de visites scotchées, plans annotés, notes raturées, pages superposées). Florent Chavouet fait preuve d'une telle originalité et d'une telle maestria qu'il laisse son lecteur subjugué, le sourire aux lèvres et une seule envie en tête : reprendre depuis le début cette enquête, s'arrêter sur chaque détail pour constater encore et encore que tout s’emboîte à merveille dans ce cadavre exquis bédéphilique.
Vous aimerez aussi : - "Il Faut Flinguer Ramirez", autre exemple de BD drôle et ultra-référencée, maîtrisant à merveille l'art du pastiche sous influence cinématographique.
- "First Love", de Takashi Miike (à voir absolument, dispo en VOD et dans nos collections DVD)
- J'ai aussi envie de citer "Jackie Brown" et "Fargo" car Tarantino et les frères Coen fraient indéniablement dans les mêmes eaux !

Oeuvre non trouvée

note: 5à pleines dents benjamin. - 7 juin 2021

Lorsque Justine, tout juste 16 ans, quitte ses parents ce matin-là sur le parking de l’École vétérinaire qu’elle s’apprête à intégrer, elle ne se doute pas à quel point elle va se découvrir elle-même au cours de cette première année d’études. Nouvel univers -un campus isolé passablement hostile- nouvelles rencontres, nouvelles expériences ; nouvelle vie ! Justine y retrouve sa sœur ainée, et va bientôt subir des épreuves d’intégration qui vont la pousser dans ses derniers retranchements, et la révéler à elle-même…
Le passage délicat de l’adolescence à l’âge adulte avec son lot de mystères et de découvertes intimes, moment clé de tout individu, est un sujet fascinant, régulièrement traité, et particulièrement par le cinéma. Hollywood en a fait un genre en soi : le "teen movie" ou film d’apprentissage. Les personnages principaux y expérimentent leur vraie nature, explorent leurs désirs, repoussent leurs limites, s’émancipent et finissent par assumer leurs propres choix. N’hésitant pas à bousculer le spectateur, Grave se situe dans cette veine, mais va en exploser tous les codes, flirtant avec le fantastique. Formellement splendide, fiévreux, dérangeant, agressif (à l’image de son héroïne) il ne laissera aucun spectateur indifférent. Une grande réussite ! (Attention : certaines scènes peuvent heurter la sensibilité).
Vous aimerez aussi : "Donnie Darko", autre teen movie étrange et inspiré (en DVD).

Oeuvre non trouvée

note: 5à l'Est, du nouveau ! benjamin. - 19 avril 2021

Avant de réaliser des chefs d’œuvre à Hollywood ("Vol au-dessus d'un nid de coucou", "Amadeus", "Larry Flynt", ou encore "Man on the Moon"), Milos Forman a "documenté" la Jeunesse des années 60 pleine de vie et d'envie d'émancipation de son pays d'origine, la Tchécoslovaquie (alors pays satellite de l'URSS) à travers 4 films extraordinaires, tournés entre 1963 et 1967. Voici réunies ces perles rares, accompagnées d'un entretien de M. Forman revenant sur cette période primordiale de sa vie, de l'histoire du cinéma, et de l'Histoire tout court, puisqu'elle se terminera par le Printemps de Prague et la répression soviétique qui s'en suivit. Côté films ce sont des bulles de bonheur remplies de musique, de danse, d'espièglerie, de visages d'acteurs amateurs au naturel parfait, et de décadrages géniaux qui viennent signer la modernité et l'immense talent naissant de l'un des fers de lance de ce que l'on appelle les Nouvelles Vagues (car la France est loin d'être un cas unique). Essentiel. Commencez par "L'As de pique".

Eva en août (Jonás Trueba)

note: 5la vacance d'Eva benjamin. - 8 avril 2021

Eva, jeune trentenaire madrilène, a choisi de rester en ville au mois d'août. Elle n'a rien de prévu, bien au contraire : elle a décidé de se mettre en vacance de sa propre vie, faire un pas de côté pour mieux voir -les choix passés, ceux à venir. Madrid et son folklore aoûtien : quoi de mieux pour une vacance ? Elle se mue donc en touriste chez elle (et en elle-même) : prend un logement, flâne, se laisse guider par le hasard, ouverte aux rencontres. Aucun programme, aucun plan. Juste tenter de se rendre disponible aux événements et aux autres, au monde qui l'entoure, à l'instant, se contenter d'être au présent pour mieux faire le point, se chercher, revenir à soi... Nous faisons sa connaissance ainsi, à travers ses échanges, ses réflexions, son quotidien (discussions, promenades). Quel plaisir de suivre la dérive estivale d'un personnage si attachant, aux doutes si familiers, en quête de lui-même, questionnant ce qu'être veut dire ("devenir une vraie personne" entend-t-on) ; en vie quoi ! C'est ce que capte ce film humble et intelligent, rempli de sourires et d'émotions, à l'apparente simplicité : Jonas Trueba filme un ensemble de petits moments ; "3 fois rien" est-il écrit en introduction -l'essentiel en somme.
Vous aimerez aussi :
- Hong Sang-Soo a fait de l'intime et des tourments humains le coeur d'une filmo délicate et subtile dont "Hill of Freedom" est une parfaite porte d'entrée.

Working Men's Club (Working Men's Club)

note: 5alors on danse benjamin. - 4 avril 2021

Nostalgiques de new wave, de house et de dance music anglaise de la fin du siècle dernier à base de gros riffs de guitares, de synthétiseurs entêtants et de boites à rythmes surpuissantes (pour faire simple tout ce qui se situe entre New Order et Soft Cell) vous allez adorer !! La réappropriation du son est ici parfaitement assumée, WM'sC réactualisant le tout de manière très inspirée, avec juste ce qu'il faut de menace et de pêche supplémentaires pour coller à notre époque. Leur son est à la fois lourd et plein de groove ("John Cooper Clarke", "Teeth", "AAAA"), métronomique et mélodique ("Valleys", "Be my guest", "Tomorrow", "Angel"), il y a des montées démentes ("Cook a coffee", "Teeth"), et un final épique qui promet pour la suite. Le tout donne sacrément envie de les voir en concert ! Un album parfait pour se vider la tête, en attendant des jours meilleurs...
Vous aimerez aussi : un peu moins dansants mais tout aussi passionnants dans cette veine New Wave réactualisée, The Horrors, trop méconnus, dont nous avons les 2 meilleurs albums ("Primary Colors" et "Skying") en CD et le reste de la discographie via MusicME (ça tombe bien !).

Oeuvre non trouvée

note: 5Un manifeste pour le respect du vivant benjamin. - 15 mars 2021

Hatidze vit avec sa mère dans une région reculée de Macédoine. Elle y récolte le miel de ruches naturelles, nichées au creux de la montagne ou dans les ruines d’un vieux mur. Lorsque Hussein et sa famille viennent s’installer à côté de chez elles la vie s’anime, mais leur rapport au vivant les éloigne inexorablement... Impressionnant documentaire qui a nécessité 3 ans de tournage (!), au sens de la narration impeccable et à la photographie superbe, "Honeyland" ne cesse de surprendre : à la fois portrait émouvant d’une apicultrice dernière représentante d’un monde englouti, chronique d’une vie paysanne d’un autre temps, et conte philosophique, puissante allégorie d’un modèle économique néfaste reposant sur l’exploitation à outrance des ressources naturelles -celui dans lequel nous vivons. De quoi bousculer et initier la réflexion.

Vous aimerez aussi :
- "Viendra le feu" et sa réflexion sur ce que signifie vivre en symbiose avec la nature, est un pendant fictionnel de "honeyland".
- "Les Merveilles" : décidément notre rapport aux abeilles en dit long sur notre rapport au vivant ; ici Alice Rohrwacher s’interroge sur notre volonté de dompter le monde sauvage.
>> 2 films superbes à voir en VOD et dans nos collections DVD.

Wake in Fright (Ted Kotcheff)

note: 5Voyage au bush de l'enfer ! benjamin. - 9 mars 2021

Alors qu’il rentre chez lui pour les vacances, John, jeune instituteur, fait une halte dans une petite ville perdue au fin fond de l’outback australien. Le cauchemar commence… Redécouverte dans les années 2010, cette première réalisation du cinéaste Ted Kotcheff (le papa de Rambo) sortie initialement en 1971, est une sorte d’Odyssée déglinguée, une version rock et décadente des épreuves que traversa Ulysse, notre héros pur et droit se retrouvant ici pris au piège d’un univers tortueux rempli de vices et de violence, lieu de perdition au bord de la folie furieuse ! Surchauffée, l’ambiance y est poisseuse, gluante, la ville peuplée de timbrés (la palme revient une fois de plus au génial Donald Pleasance, à l’aise comme un glaçon dans le whisky^^!) et John s’y empêtre malgré lui, incapable de trouver une issue… Aussi féroce que pessimiste, cette charge hallucinée bouscule et plaira aux amateurs d’émotions fortes et de cinéma bis ; un vrai grand film culte !
À voir/vous aimerez aussi :
- "Bad Boy Bubby", autre dinguerie culte et géniale venue du pays des kangourous (dans nos collections DVD)
- "After Hours", film sous-estimé de Martin Scorsese dans lequel le personnage se retrouve de la même façon pris au piège, mais dans un quartier new-yorkais.

Making a door less open (Car Seat Headrest)

note: 4électro-rock bidouille benjamin. - 1 mars 2021

Derrière ce groupe se cache Will Toledo, compositeur-interprète qui, à 28 ans, a déjà l’équivalent d’une vingtaine d’albums au compteur (!). Si la production est ici plus léchée et plus électro-pop que d’habitude, il a gardé ce goût des sons bruitistes et des compositions bigarrées (Weightlifters, Can’t Cool Me Down, Deadlines, Life Worth Missing), son talent naturel pour les mélodies accrocheuses (Martin, la superbe et tortueuse There Must Be More Than Blood), et surtout cette voix fébrile hyperémotive si caractéristique. Côté textes il continue de nous faire merveilleusement part de sa solitude, son inadaptation sociale et ses questionnements intérieurs… Mais cette fois au travers d’airs (faussement) guillerets où se répondent habilement guitares et synthétiseurs sur des rythmes sautillants à saccadés (oui, cet album permet de danser !).
Vous aimerez aussi :
- The Strokes feraient d'évidents parrains (nouvel album "The New Abnormal" à écouter d'urgence surMusicME)
- Ezra Furman ferait un bon cousin rock'n'roll (album "Day of the Dog" sur MusicME)
- Daniel Johnston, dont le mal-être, le bricolage musical et les mélodies imparables étaient les marques de fabrique, ferait un parfait grand-oncle (album "Fun" également sur MusicME).

Oeuvre non trouvée

note: 5chronique d'une catastrophe annoncée benjamin. - 1 janvier 2021

Au cours d'une inspection, un jeune plombier découvre par hasard qu'un immeuble est sur le point de s'effondrer. La chute -imminente- est inéluctable, il ne reste que l'évacuation de l'ensemble des habitants pour éviter la tragédie. Conscient de l'urgence, notre homme se met en action, en pleine nuit ; la plus longue de sa vie... Car cette révélation pose trop de questions, implique trop de monde et soulève trop d'enjeux politiques pour être prise en considération. Ne serait-ce pas plutôt l'intégrité de ce lanceur d'alerte qui pose problème ?! Chronique d'une catastrophe annoncée, ce film poignant et désespéré à l'énergie d'un thriller agit comme une bombe à fragmentation. À travers de longues séquences superbement filmées, le cinéaste Youri Bykov y dépeint une société entièrement gangrenée par la corruption, un système défaillant qui fonctionne à l'envers, mais y dénonce également une population complice ; cette longue fissure est bien celle de la société russe toute entière. Bouleversant et captivant, du très grand cinéma !

Vous aimerez aussi :
- "Le Major", film précédent de Youri Bykov, est tout aussi percutant (en VOD).
- Parmi les excellents cinéastes russes actuels, Andreï Zviaguintsev est une figure majeure, avec des films comme "Le Retour" (en VOD), "Elena", ou "Leviathan" (dans notre collection DVD).
- Réécoutez la chanson "C'est Normal" de Brigitte Fontaine, le pendant humoristique et absurde de ce film ^-^.

The Outsider - Saison 1 intégrale (Jason Bateman)

note: 3oui, mais non. benjamin. - 24 décembre 2020

La thématique principale de cette série est "comment ce qui EST pourrait également NE PAS ETRE ?". Du coup ce n’est peut-être pas si étonnant que mon avis soit aussi partagé… Je n’en dirais pas plus sur le contenu de cette nébuleuse intrigue policière, comment l’histoire se déploie petit-à-petit, les révélations, revirements, mystères et rebondissements parfaitement distillés, à intervalles réguliers, et je vous invite à ne surtout pas chercher à en savoir plus, le vrai plaisir réside dans la découverte, laissez-vous surprendre, ça vaut le coup ! Bien amenés, les 6 1ers ép. m’ont vraiment passionné ! Comment ce peut-il alors que le reste soit si décevant ? Tout simplement parce que les 4 derniers ép. auraient pu être ramassés en un seul : ils sont coupés à l’eau de vaisselle ; on fait patienter le spectateur, on brode un scénario aux coutures apparentes, on dilue jusqu’à ce que l’intrigue, si accrocheuse jusque-là, n’ai plus aucun goût… Un gâchis qui ne s’explique que par respect du format (il fallait 10 épisodes pour répondre à la commande). Dommage ! Et vive le cinéma !

Je vous invite à découvrir, dans le genre :
- "Regression", un film méconnu du très bon Alejandro Amenabar (bientôt dans notre collection DVD)
- "The Strangers", une folie sud-coréenne absolument géniale, aussi proche de "The Outsider" dans ce qu’elle raconte qu’éloignée dans sa façon de le raconter (dans notre collection DVD).

Ultra mono (Idles)

note: 5Le son de l'époque benjamin. - 21 décembre 2020

En 4 ans et 3 albums furieux, les britanniques d'IDLES (groupe fondé en 2009) semblent avoir découvert comment sonne le rock du XXIe siècle. Les ingrédients sont toujours les mêmes -gros riffs de guitare, chanteur habité, batterie martelante- et pourtant il y a ici quelque chose en plus... Une urgence, un danger, et l’impression que ces gars-là ont tout compris de la société dans laquelle ils vivent, qu’ils la saisissent à bras-le-corps et que leurs morceaux sans concessions en sont traversés de partout (dans la musique comme dans les mots). À son image, IDLES cultive les paradoxes : à la fois puissant et fragile, festif et anxieux, violent mais bienveillant, on y hurle des douceurs, fait danser sur des textes tristes, joue une musique extrême grand public. Vous cherchez une porte d’entrée ? Tentez "Mr. Motivator", vous saurez très vite si cet Ultra Mono est fait pour vous ^^! Du rock qui tabasse, et ça fait du bien !

Vous aimerez aussi :
- Shame, "Songs of Praise" : plus classique, une bonne claque rock de 2018 ; ils sont quand même forts ces anglais (dans notre collection CD).
- Sleaford Mods, "English Tapas" : dans une veine electro/hip-hop, un duo anglais lui aussi méchamment ancré dans son temps (dans notre collection CD).
- The Psychotic Monks, "Private Meaning First" : une fois n’est pas coutume, ces français relèvent le gant dans le genre rock rageur (à découvrir vite vite sur musicMe !).

Satis factory (Mattiel)

note: 5rock'n'roll nature benjamin. - 21 décembre 2020

C’est comme ça, il y a des gens qui respirent la classe naturellement… Ainsi Mattiel, chanteuse originaire de Géorgie (USA), nous balance un rock'n'roll teinté de blues génial de sa voix puissante au léger vibrato plein de groove sans se forcer, comme une évidence. Accompagnée d’excellents musiciens depuis son 1er album éponyme tout aussi réussi, elle enchaine ici les titres plus dansants les uns que les autres (je vous mets au défi de ne pas remuer sur "Je Ne Me Connais Pas", "Food for Thought", "Keep the Change", ou bien encore "Berlin Weekend"), sait ralentir le tempo sur certains bien ancrés dans la tradition musicale américaine ("Moment of Death", "Blisters"), et n’hésite pas à pousser très haut cette incroyable voix ("Rescue You", "Athlete", "Heck Fire"). Un album qui sent la poudre et passe comme une bourrasque, à l’image de son interprète !!

Vous aimerez aussi :
- Sally Ford (album "Untamed Beast" dans notre collection CD), The Black Keys ("Brothers", "El Camino", idem) et Heavy Trash (projet parallèle de l’incontournable Jon Spencer, à écouter sur musicMe) feront frissonner de plaisir les amateurs de rock'n'roll pur jus.
- LP, "Lost on You" : dans un style différent, une autre chanteuse à la voix incroyable (dans notre collection CD).

Oeuvre non trouvée

note: 5Dans l’espace personne ne vous entendra crier de joie ! benjamin. - 16 décembre 2020

Lorsqu’un scénariste totalement habité par son sujet, un plasticien à l’univers fascinant, et un réalisateur aussi talentueux qu’inspiré sont réunis sur un même projet, cela donne un classique intemporel, indispensable et indépassable de la SF contemporaine : A L I E N. Cet excellent documentaire en retrace la genèse dans les moindres détails, en décrit l’importance avec force références, archives et entretiens inédits (ne manque à la fête que Sigourney "Ripley" Weaver), poussant jusqu’à l’analyse filmique pure plus que bienvenue ! Un rêve de fan !

Vous aimerez aussi :
-"Jodorowsky’s Dune", fabuleux documentaire sur le non moins incroyable projet avorté d’Alejandro Jodorowsky, à l’origine de tout le cinéma de SF de ces 50 dernières années (disponible tout de suite en VOD).
-Moins diffusée que les "Gendarmes" ou "Sissi" à Noël, la quadrilogie ALIEN est toujours disponible dans notre collection DVD, pensez-y !

Baron noir n° 3
Baron Noir - Saison 3 Intégrale (Antoine Chevrollier)

note: 4science-politique-fiction benjamin. - 14 décembre 2020

En faisant de l’actuelle crise de confiance dans la classe politique son principal sujet, sans détourner le regard sur les raisons qui la fonde, et en continuant à mettre en scène nos dirigeants français sans jamais les singer, cette 3ème saison replace la barre très haut : éclairante, excitante, intransigeante ! Bien sûr on peut noter un certain nombre de raccourcis : diverses simplifications -permettant à ce scénario gonflé d’être mené à bien, tambour battant, sans perdre le spectateur en route- se font au détriment du réel, mais l’équilibre entre cohérence interne et crédibilité d’ensemble est respecté ; c’est l’essentiel. Rares sont les séries à décrire aussi bien le jeu politique, les manipulations, les entourloupes, à aborder frontalement cette partie d’échecs au long cours entre personnalités uniquement motivées par l’avidité du pouvoir… Une réussite générale à double tranchant : face à tant de cynisme, on se demande un peu comment continuer à y croire...

Vous aimerez aussi :
- "L’Exercice de L’Etat" (dans nos collections DVD et VOD)
- la mini-série HBO "Show Me A Hero" (bientôt dans notre collection DVD)

Bad Education (Cory Finley)

note: 3le grand détournement benjamin. - 3 décembre 2020

Certaines personnes sont tellement sûres d'être indispensables et géniales dans ce qu'elles font qu'elles violent systématiquement la loi sans aucun scrupule, sans même se rendre compte du problème, jusqu'à en oublier leur malhonnêteté... Après tout, comme il est dit dans ce film prenant à l'intrigue bien menée (à l'américaine quoi) "tant que tout va bien, personne ne pose de question" ! Affaire incroyable à tout point de vue, parfaitement rendue par un scénario efficace (la dimension journalistique notamment, étonnante d'ailleurs !) ; acteurs au top : sacré numéro d'Hugh Jackman dans le rôle d'un homme instable dissimulé derrière un masque d'assurance, qui a fait du mensonge un art de vivre...

Brooklyn Affairs (Edward Norton)

note: 4Noir néo-classique... benjamin. - 28 novembre 2020

Brooklyn Affairs s’inscrit dans la tradition du Film Noir dont il emprunte les principaux codes : N.Y. 1950’s, un détective privé reprend une nébuleuse enquête impliquant une femme mystérieuse sans doute en danger, prise dans un engrenage qui la dépasse mettant en cause un homme très puissant… Ajoutez à cela passages à tabac, club de jazz... Rien que du classique. Mais l’acteur-réalisateur Edward Norton va y injecter de la modernité par petites touches bienvenues : un scénario amenant une réflexion sur l’évolution de l’habitat urbain (la gentrification avant l’heure), une photo plutôt crue à l’opposé des éternels clair-obscur ou sépia propres au genre, un morceau de Radiohead au détour d’une scène, un personnage de méchant plein d’aspérités (et incarné par l’excellent Alec Baldwin), une ambiance de spleen plutôt contemporaine, et surtout un personnage principal atypique, handicapé par d’incessants tics verbaux (le célèbre syndrome de la Tourette), conséquences d’une hypersensibilité maladive (notre homme est dépassé par un cerveau incontrôlable, en ébullition) qui se révèlera être également sa force. Celui-ci aurait pu paraitre à l’écran gênant voire horripilant, mais l’implication et le réel intérêt de Norton pour ce personnage débordant, luttant contre lui-même, en font un concentré d’émotions et l’atout majeur de cette belle tranche de cinéma.

Mademoiselle de Joncquières (Emmanuel Mouret)

note: 4Un conte moral tout en nuances benjamin. - 12 novembre 2020

"Mille fois l'homme d'honneur en se vengeant n'a gagné à cela que de publier lui-même son outrage ; car sa vengeance révèle ce que l'injure n'avait pas dit" Pedro Calderon de la Barca.

Adaptation libre du "Jacques le fataliste" de Diderot, cette intrigue amoureuse en costumes entre une jeune veuve distinguée et son amant libertin débute comme un marivaudage classique avant de s’assombrir lorsque survient le temps de la vengeance... La reconstitution simple et soignée et la mise en scène épurée font la part belle à un scénario subtil, succession d'échanges et de discussions au cours desquels évoluent les relations, entre sincérité et manipulation, laissant petit-à-petit tomber les masques, se révéler les faux semblants et les caractères profonds des personnages. Les acteurs, complices et malicieux, s'épanouissent et prennent un plaisir évident à ces joutes verbales savoureuses qui constituent l’essentiel du film ; ils privilégient un jeu naturel qui sonne juste et fluidifie des dialogues ciselés.

À découvrir également en VOD sur la Médiathèque Numérique : « Love & Friendship », délicieuse adaptation de Jane Austen par Whit Stillman.

Diamant noir (Arthur Harari)

note: 4Noir brillant benjamin. - 28 octobre 2020

Tout passe par le regard, l’œil. Il n’est pas donné à tout le monde de savoir observer. En matière de diamant, cela peut rapporter des millions… Mais le don est-il héréditaire ? La haine, elle, peut se transmettre. À la suite d’un accident qui l’a laissé mutilé, incapable d’exercer ses talents de diamantaire, le père de Pier s’est vu rejeté par sa famille. Laissé pour compte, il meurt dans la misère alors même que son frère prospère au sein du richissime milieu anversois. Le désir de vengeance de son fils devenu adulte est total, pur comme un diamant brut. Comment faire payer ceux qui l’ont déchu ? Meurtrir ceux qui lui ont tout pris ? Dans la droite lignée des films Noirs de la grande époque hollywoodienne (décennies 40 et 50), Arthur Harari tresse patiemment une intrigue autour d’un personnage aux abois, tiraillé entre raison et passion, pris au piège de ses propres désirs et soudain dépassé, rattrapé par la fatalité. À l’aide d’une mise en scène nerveuse, d’une écriture sèche et sans fioritures, d’une photographie toute en contrastes et d’une distribution sans faille, Harari réalise un film d’une modestie qui l’honore, hors du temps et des modes, superbe hommage à un genre ici renouvelé.

Bacurau (Kleber Mendonça Filho)

note: 5Politique et fantastique : un grand film hybride benjamin. - 23 octobre 2020

Dès la scène d'ouverture on sent que quelque chose ne va pas : une mystérieuse menace plane sur ce village reculé du Brésil et sur ses habitants. Des impacts de balles, un bug informatique, d'étranges touristes... Les signes se multiplient et s'aggravent. Mais qui cherche à leur nuire, et pourquoi ?! Kleber Mendonça Filho prend son temps pour bien installer sa situation, nous présenter cette petite communauté de personnages de plus en plus attachants, et préciser l'objet de leur persécution. Laissez-vous gagner par l'atmosphère étrange qui règne sur ce film, et rassurez-vous : tout vous sera expliqué !

Après "Les Bruits de Recife" et "Aquarius" (plus qu'excellents, et tous 2 disponibles dans les collections numérique et DVD de la bibliothèque), le cinéaste brésilien confirme son immense talent en nous offrant avec "Bacurau" un film de genre excitant, vibrant hommage à John Carpenter (si si, vous verrez !), et une charge acerbe contre le monde contemporain tel qui ne va plus (dominé par l'argent, le cynisme et la violence), auquel il oppose ce village, cette population locale à qui il ne reste qu'une chose : la solidarité.

La Fille au bracelet (Stéphane Demoustier)

note: 5L'intime conviction benjamin. - 17 octobre 2020

Si le monde judiciaire est passionnant, et tellement "cinégénique", c’est qu’il a pour objet l’être humain et son caractère résolument insondable. Ce film en est une nouvelle et excellente preuve, dans lequel il s’agit donc d’établir ou non la culpabilité d’une très jeune femme de 18 ans accusée du meurtre à l’arme blanche d’une de ses amies, deux ans auparavant. L’enquête a eu lieu, tout est recentré autour du procès. Très rapidement et sans effets dramatiques appuyés nous sommes aspirés par l’affaire et cherchons à découvrir la vérité qui, grâce à un scénario bien écrit ne nous plaçant jamais en surplomb des personnages, comme à eux nous échappe. Petit-à-petit se crée en nous un désarroi, proche de celui des parents de la jeune accusée qui ne savent plus s’ils sont persuadés de son innocence, ou s’ils se forcent à l’être… Reste alors les présomptions, orientées par les attitudes de chacun, les indices et différents témoignages, et le débat entre ministère public et avocat de la défense (chacun dans son rôle). Mais est-ce suffisant pour savoir ? Comment établit-on un jugement ? Sur quoi repose un verdict ? Sobre et rigoureux, bénéficiant d’excellents acteurs et d’une mise en scène sans emphase, "La Fille au bracelet" préfère aux réponses les questions et aux certitudes l’humilité du doute (raisonnable). Très fort !

Crushing (Julia Jacklin)

note: 5émotions fortes benjamin. - 15 octobre 2020

Il y a d'abord cette voix, douce avec quelque chose de fêlé, un léger voile qui fait instantanément se dresser les poils de l'auditeur... Autant d'émotion dans si peu (presque un murmure) c'est quelque chose ! Et puis, dès le 2ème morceau elle va se tendre, devenir puissante et déchirante, douloureuse parfois, à la limite du cri. Et ce sera comme ça jusqu'au bout de l'album : entre retenue et lâcher prise, la voix de Julia Jaklin est bouleversante. Il y a ensuite les histoires racontées : il est certes question ici d'amour, mais pas à la hauteur, de la difficulté à préserver la flamme, d'histoire qui se termine, de comment s'en remettre, continuer à vivre tant bien que mal... Le tout superbement écrit dans des balades mélancoliques aux accents rock bien sentis (les riffs de "Head Alone", "Pressure to Party" et "You Were right" réjouiront les amateurs). Originaire d'Australie, Julia Jaklin ne conçoit pas la vie comme l'autoroute ensoleillée du bonheur mais plutôt comme une piste sinueuse et toute cabossée avec un vent parfois contraire. On se perd et on s'y tord les chevilles, on avance à tâtons mais coûte que coûte on s'accroche, on se bat, c'est ce qui en fait le sel et toute la beauté. Préparez quand même vos mouchoirs...

The mother stone (Caleb Landry Jones)

note: 4Aventure ba-ROCK ! benjamin. - 20 septembre 2020

Approchez ! Approchez ! C'est au théâtre, tendance cabaret (voire barnum), que vous convie Caleb Landry Jones, acteur exigeant (sa filmographie parle pour lui) qui se révèle tout aussi convaincant rockeur ! Il nous y raconte des histoires dans lesquelles il incarne tous les personnages, déploie un univers psychédélique riche et foisonnant, chaque morceau prenant des allures de symphonie de poche avec instruments multiples (au combo guitare/basse/batterie s'ajoutent des cordes, cuivres, toutes sortent de claviers et de percussions...), arrangements soignés, changements de rythmes constants, etc. Le risque de ce genre d'entreprise étant de perdre l'auditeur... Ça arrive à certains moments de ce long album (plus d'une heure quand même) conçu comme un tout uni, mais c'est plutôt rare et ça ne gâche rien du plaisir d'écoute qu'en représente la quasi-totalité ! On pense (beaucoup) à Frank Zappa, aux Beatles à partir de Sgt. Pepper's, (un peu) au Bowie période Ziggy, au T.Rex glam', et plus proche de nous à Beck ou Jacco Gardner... les amateurs d'Higelin pourraient également y trouver leur compte (ou pas ?). Le résultat est baroque, audacieux et jouissif ; plongez-y l'oreille !!

Viendra le feu (Oliver Laxe)

note: 5Force de la nature benjamin. - 4 septembre 2020

Dans une vallée reculée de Galice, Amador rentre chez lui après plusieurs années de prison. Cinquantenaire taiseux et solitaire, il retrouve sa mère, volontaire et résiliente, la ferme familiale, son chien et les quelques vaches qu’ils y élèvent. La vie reprend doucement son cours, au fil des saisons, simple et austère. Ils sont les derniers représentants d’un monde millénaire vivant en symbiose avec la nature, dans le respect et l’acceptation de ses aléas et de sa force... Les suivants veulent la dompter, la dominer, et auront donc toujours besoin de coupables pour passer leur colère lorsqu’elle résistera, lorsque viendra le feu…
Pour cette superbe scène d’ouverture, d’une rare beauté, pour ces paysages dans lesquels le film nous immerge, pour le lyrisme de la musique qui contrebalance le naturalisme des situations, pour ces acteurs, et cette façon qu’a le cinéaste de faire confiance au cinéma pour faire passer le message sans ressentir le besoin d’appuyer le propos… pour tout cela et bien plus "Viendra le feu" est selon moi un grand film, qui vaut d’être vu ! (bon, sur grand écran c'est mieux...)

Good Time (Ben Safdie)

note: 5"la nuit je mens..." benjamin. - 25 juillet 2020

Nick est un bloc de silence et d’incompréhension face au monde qui l’entoure, emporté, dépassé par les événements ; Connie n’est à l’inverse que mouvement, acuité et tension, à l’affût de la moindre opportunité à saisir. Ils sont pourtant frères, ne veulent s’en sortir qu’ensemble, et donneraient absolument tout l’un pour l’autre. Mais que faire quand on n’a aucune carte en main, que les dés semblent pipés, et la partie perdue d’avance ?
Au cœur d’un New-York labyrinthique filmé au ras du bitume, caméra au poing, un contre-la-montre s’engage, et la ville n’est plus qu’hostilité le temps d’une nuit de lutte effrénée qui laissera personnages et spectateurs essorés au petit matin.
Narration ultra-ramassée aux rebondissements permanents, acteurs véritablement habités, décors plongés dans un bain de couleurs électriques (les Safdie magnifient la nuit new-yorkaise, qui devient un personnage en soi !), nappes de musique synthétique omniprésentes « collant » parfaitement à l’action, tout ici concoure à maintenir une pression constante.
Après le prometteur "Lenny & the Kids" et le déjà très bon "Mad Love In New-York" (tous deux disponibles dans le fonds DVD), "Good Time" vient confirmer la naissance de deux cinéastes incontournables.

Dogman (Matteo Garrone)

note: 4Une vie de chien benjamin. - 25 juillet 2020

Marcello est un homme gentil, simple, la candeur même. Toiletteur pour chiens dans un quartier de banlieue en bord de friche, il vivote dans son coin, un peu lunaire, laissant filer le temps entre ses relations quotidiennes avec les commerçants voisins, sa fille qu’il voit trop peu, et un petit trafic pour arrondir le mois. Ce n’est pas Byzance mais il s’y retrouve. Seule ombre au tableau : Simo’, une brute épaisse qui fait régner la terreur partout où il passe. Manipulateur et sûr de son droit (celui du plus fort) il va s’attaquer à Marcello, tout lui prendre, jusqu’à son innocence. Dans une atmosphère de fin du monde (décors délabrés, lumière crépusculaire) ce polar désespéré nous brosse le portrait d’une société malade, qui broie les plus faibles et les transforme en monstres. Porté par des acteurs extraordinaires, le cinéaste italien Matteo Garrone y retrouve la noirceur et la puissance de "Gomorra", son chef-d’œuvre de 2008. Pour public averti.

BlacKkKlansman (Spike Lee)

note: 4Un éclat de rire rageur et salvateur benjamin. - 25 juillet 2020

Basé sur un fait historique aussi cocasse qu’avéré -en 1978, la première infiltration du Ku Klux Klan par un policier noir !- ce film à l’humour mordant, jamais très loin de l’effroi, choisi le biais de la Farce pour mieux dénoncer le racisme qui imprègne la société américaine d’hier comme d'aujourd’hui. Mais il n’oublie pas non plus de souligner, avec force et sans manichéisme, le danger que représentent l’intolérance et la violence d’où qu’elles viennent. Un retour en grande forme pour Spike Lee, cinéaste engagé qui s’est imposé au fil des années et des films comme premier témoin des luttes pour les droits civiques et grand défenseur de la cause afro-américaine.

J'ai perdu mon corps (Jérémy Clapin)

note: 4Lignes de vie benjamin. - 24 juillet 2020

Deux histoires racontées en parallèle que l’on imagine devoir se rejoindre, mais où ? Quand ? Comment ? S’il fallait une nouvelle preuve que le champ du cinéma d’animation est sans limites, infiniment riche et destiné aussi à un public adulte, la voici : "J’ai perdu mon corps" emprunte au cinéma d’aventure, au fantastique, au drame, pour nous offrir un récit éclaté palpitant et bourré d’émotion, au service d’une magnifique réflexion sur le deuil, la perte irrémédiable -d’un être cher, de l’enfance, bref d’une partie de soi (dans tous les sens du terme)- qui sera difficile à surmonter, mais pas impossible… Scénario, réalisation, bande originale, la réussite est à la hauteur de l’immense défi que représentait ce projet, dont le résultat peut faire penser que l’animation seule a les moyens d’atteindre un tel niveau d’audace et de maestria dans la mise en scène, et d’entrelacer aussi finement réalisme cru et poésie (et/ou candeur) au sein d’un même récit. C'est très réussi !

Factory (Yuri Bykov)

note: 4Polar social benjamin. - 16 juillet 2020

Dénonciation de la corruption généralisée dans la Russie contemporaine sous la forme d’un polar ramassé (ça pourrait être une pièce de théâtre : une nuit, une usine, une prise d’otage) tout à fait captivant, avec son lot d’ouvriers au bout du rouleau, son oligarque cynique, ses hommes de main sans foi ni loi et ses flics sans scrupules, "Factory" maintient une tension d’un bout à l’autre de son récit, assumant même son statut de film d’action jusqu’au bout. Sans révolutionner le genre, voici un film intelligent devant lequel on ne s’ennuie pas une seconde ! Bon à savoir : le cinéaste Yuri Bykov a fait encore mieux avec ses deux films précédents : "The Major" (disponible dès à présent dans notre catalogue VOD) et "L’Idiot", à découvrir absolument !

American Animals (Bart Layton)

note: 4Un anti Ocean's Eleven benjamin. - 29 mai 2020

Pour tromper l'ennui d'une existence un peu morne et sans autres motivations que celles d'en avoir la possibilité et d'y avoir pensé, quatre étudiants décident de commettre un vol... Jusqu'où vont-ils aller ?
Non content de réinventer le poussiéreux « docu-fiction », American Animals est aussi un très bon exemple de « film de braquage », autre genre cinématographique bien balisé. À la fois drôle et excitant, il devient glaçant lorsque la fantasmagorie se concrétise et que les conséquences de leur action se révèlent aux personnages soudain pris à leur propre piège. Grâce à un excellent travail de montage, Bart Layton parvient à faire d'un petit fait-divers sans grande envergure une fiction trépidante, et une réflexion pertinente sur la violence et ce qu’elle implique.

The Night Of (Steven Zaillian)

note: 5Autopsie d'un meurtre benjamin. - 29 mai 2020

Déployant patiemment une intrigue dense, resserrée sur un fait divers (le 1er épisode est tout simplement génial !), cette mini-série (8 épisodes, pas un de plus) gravite autour de trois personnages-clés (l’accusé, le flic, l’avocat) dont elle sonde les vies, et nous offre une plongée captivante dans les rouages du système judiciaire et carcéral américain. Qu’est-ce qu’une enquête policière ? Comment fonctionne un procès ? Qu’y juge-t-on exactement ? Quels impacts psychosociologiques a la prison sur l'individu (et ses proches) ? Cette série plaira (et peut-être même avant tout) aux allergiques du genre, en tout cas aux inconditionnels du cinéma c’est certain ! "The Night of" mérite d’être (re)découverte à tout point de vue !

Rue des boutiques obscures (Patrick Modiano)

note: 5Un plaisir de tous les instants... benjamin. - 7 mai 2020

Entrer dans la peau d’un personnage de Patrick Modiano c’est partir en quête de soi, un autre soi, du passé, qui a été et dont il ne reste que traces, souvenirs et sensations fugaces que l’on réactive avec nostalgie… On navigue dans un monde aux temporalités et aux identités flottantes… Suis-je la même personne que celle que j’étais avant ? On plonge dans la petite histoire pour mieux atteindre la grande, car nous sommes tous les fruits de notre époque, d'une autre époque. On y fait parler les objets, les vêtements, les photographies, les rues… les restes d’une vie. L’écriture est simple, limpide, la lecture fluide. Bref, c’est un plaisir de tous les instants. Lisez Patrick Modiano !

Gloria mundi (Robert Guédiguian)

note: 4Plus radical qu’un épisode de Black Mirror ! benjamin. - 5 mai 2020

A quoi ressemble la vie dans un monde qui ne respecte plus que l’argent, ceux qui en gagnent au mépris des autres, condamnés à une humiliation consentie, non seulement exploités mais mis en concurrence et évalués comme de vulgaires objets ? C’est ce que va découvrir Daniel à sa sortie de prison, après de longues années de mise à l'écart, lorsqu’il va reprendre contact avec une famille infectée par ce mode de vie. Et si vivre en retrait de ce monde était la seule solution pour éviter d'être détruit ?
Cri de colère à l’encontre d’une société en pleine déroute morale, de la part d’un cinéaste dont on connait depuis toujours les convictions humanistes et l’attachement à des valeurs d’entraide et de solidarité, "Gloria Mundi" m’a fait l’effet d’un coup de poing. En cédant à la noirceur et au pessimisme, Guédiguian a gagné en force : grâce à un scénario bien écrit et à une troupe d’acteurs très au fait des enjeux, convaincus et convaincants, il nous offre son film le plus puissant depuis longtemps (selon moi "Marie-Jo et ses deux amours").

Haute fidélité (Nick Hornby)

note: 5Un livre qui donne vraiment envie de mettre un disque (et c’est un compliment) benjamin. - 27 avril 2020

Sans doute pas un chef d’œuvre immémorial de la littérature mondiale, mais un roman aussi drôle, rythmé, décomplexant, facile à lire, et parlant autant de musique (rock en plus)… Avouez qu’on ne peut que succomber !
Dans la vie de Rob il n’y a que 2 choses qui importent : la musique et les femmes. Mais il est aussi inspiré pour celle-ci qu’incompétent avec ces dernières… Loser magnifique, collectionneur compulsif (de disques essentiellement, mais de râteaux aussi pourrait-on ajouter), Rob nous raconte sa vie de disquaire vivotant, s’apitoie sur son sort de trentenaire qui-aurait-pu, doute de lui en permanence, et nous fait part de ses classements ; il dresse des listes de tout, à commencer par ses ruptures « les plus inoubliables ».
Bourré de références à la culture pop, ce livre se lit d’une traite, le sourire aux lèvres et de quoi noter les titres de chansons qui truffent ces pages à portée de main... Un excellent moyen d’entrer à la fois en littérature et en musique. (PS : Stephen Frears en a réalisé une bonne adaptation cinématographique, à découvrir également !)

It Must Be Heaven (Elia Suleiman)

note: 4Carnet de voyage benjamin. - 21 avril 2020

Elia Suleiman est un auteur dont on reconnait immédiatement la « patte » : faussement naïf, teinté d’humour et d’une pointe de mélancolie, le regard que pose le cinéaste palestinien sur ce qui l’entoure est toujours aussi décalé et burlesque, dans la droite ligne de Chaplin et Tati. Aujourd’hui il s’interroge : son pays existe-t-il toujours aux yeux du monde ? De Paris à New-York il se promène, s'amuse de nos façons et conditions de vie si différentes de celles qu'il connait (ici l'individualisme, là le rapport aux armes), constate les changements dans l’intérêt qu’on lui porte, s’en inquiète à sa manière et nous alerte. Malgré la guerre et l’oppression la vie continue, la situation s'est "normalisée"… Le constat est posé sans pessimisme ni amertume, et c'est maintenant dans la résilience de la jeunesse que Suleiman semble placer son espoir, à travers la magnifique scène finale de ce poème visuel que je vous invite à découvrir. Un très joli film, personnel et inspiré.

Oeuvre non trouvée

note: 4Aussi drôle qu'effrayant ! benjamin. - 20 avril 2020

Petite perle horrifique venue de Nouvelle-Zélande, "Housebound" cultive un humour noir carabiné, un mauvais esprit bienvenu, et fait preuve d’une efficacité remarquable pour vous surprendre et vous faire sursauter. Vous avez aimé "Shining" et "La Famille Addams" ? Allez-y sans crainte : cette série B qui sait ne pas se prendre au sérieux est totalement jouissive !! Pour les amateurs de cinéma de genre bien sûr...

Oeuvre non trouvée

note: 4Une explosion de vie ! benjamin. - 18 avril 2020

Vic a pour mission de transporter des personnes handicapées à bord d’un minibus à travers tout Milwaukee. Mais ce jour-là les événements vont très rapidement le dépasser... Pour le pire ou pour le meilleur ? Hymne à la débrouillardise et la solidarité, "Give Me Liberty" est un manifeste humaniste, et un gigantesque débordement : celui de Vic qui tente de maîtriser une situation de moins en moins stable, celui de son bus, bondé, rempli de personnages hauts en couleurs (aussi horripilants qu’attachants), celui tout simplement de la vie qui jaillit sur le passage de Vic, incontrôlable, désordonnée, imposante, indépassable ! Une certitude : lorsque le système est défaillant, ne reste que la bonne volonté…et l’amour !

La femme de mon frêre (Monia Chokri)

note: 4Delirium tremens existentiel ^^! benjamin. - 15 avril 2020

Sophia et Karim sont frère et sœur. Leur complicité est totale, leur relation fusionnelle. Alors quand Karim tombe amoureux, la vie de Sophia se retrouve sens dessus dessous ! Monia Chokri, actrice découverte chez Xavier Dolan dans "Les Amours Imaginaires", puis "Laurence Anyways" (à (re)découvrir d'urgence !), pose un regard à la fois amusé et concerné sur sa génération, celle des trentenaires occidentaux surdiplômés qui ont du mal à grandir ("à la limite de la jeunesse" comme le dit l'un des personnages du film), en proie aux doutes existentiels, incapables de faire face aux problèmes à venir car trop conscients de leur démesure, et oscillant donc sans cesse entre action et dérision, combativité et ironie. Du cinéma de Dolan elle n'a gardé que les bons côtés : l’écriture ciselée des dialogues, l'inventivité dans la façon de filmer, l'emploi malin de la musique, les thématiques abordées ultra-contemporaines, tout en en délaissant l'emphase parfois pesante. Un petit film rythmé, intelligent et drôle !

Oeuvre non trouvée

note: 4Roméo & Juliette n'ont qu'à se rhabiller ! benjamin. - 1 avril 2020

Sabrina et Dorcy s’aiment ; ils veulent se marier. À eux deux ils sont également un concentré de "minorités" dans la France du XXIème siècle. Lui : noir, chrétien, acteur, insouciant ; et Elle : maghrébine, féministe, musulmane, et sœur de 40 frères (sic). Ils sont donc idéalement placés pour se heurter à tous les conservatismes, toutes les intolérances, tous les préjugés et toutes les contradictions de notre époque ! Oui mais voilà : Sabrina et Dorcy s’AIMENT, et ils vont se MARIER !
Ode au métissage et à l’ouverture aux autres, "Rengaine" aborde toutes les questions qui parcourent notre société avec un humour ra(va)geur et un optimisme qui font du bien ! Les trouvailles de mise en scène et l’enthousiasme général font vite oublier les quelques faiblesses techniques dues à un très très petit budget... Original et salutaire !

Tabou (Miguel Gomes)

note: 4Out of Africa ! benjamin. - 1 avril 2020

Mais qui est donc Dona Aurora, vieillarde acariâtre accablée par la douleur d’un lourd secret enfoui dans les méandres de sa mémoire ? Quelle est donc cette culpabilité qu’elle porte en elle, la menant au bord de la folie, et d’où lui vient-elle ? Toutes les réponses sont à trouver au cœur de l’Afrique, dans le lointain passé d’Aurora, alors jeune héritière hautaine et séduisante, sur le point de vivre une passion amoureuse dévorante et dévastatrice… Après une première partie un peu morne (« Paradis perdu », nous présentant la fin de vie de notre héroïne), malgré tout essentielle, Miguel Gomes nous entraîne au fin fond de la savane, où se jouera une tragédie implacable. Son film y retrouve alors la beauté plastique, la simplicité narrative et l’évidence stylistique du cinéma des premiers temps. À découvrir absolument !

National gallery (Frederick Wiseman)

note: 5Visite guidée benjamin. - 31 mars 2020

Un musée est un organisme vivant, protéiforme, mouvant. Corps vénérable en prise directe avec le monde, réagissant à son environnement : à la fois pôle foisonnant de la vie culturelle (locale ou internationale) et temple de la mémoire ; lieu de conservation, mais également d’interaction et de transmission. Lorsque l’un des plus grands documentaristes américain se penche sur la vie d’une institution telle que la National Gallery de Londres, cela nous offre une plongée fascinante au cœur des rouages de cette noble maison. Trois heures durant nous sommes tenus en haleine par cette déambulation qui, sans aucun commentaire mais à l’aide d’un montage d’une incomparable maestria, nous transporte des multiples salles d’expositions aux différentes réserves, du hall majestueux aux espaces plus confinés des bureaux administratifs, des salles de cours aux ateliers de création et de restauration. La parole de chacun des acteurs est respectée, fidèlement restituée par Frédérick Wiseman : elle se croise, rebondit sans jamais interférer (passion des guides, érudition des conservateurs, enthousiasme du public et des étudiants). Un nouveau jalon dans l’immense carrière de ce cinéaste hors norme, à découvrir d’urgence !

Oeuvre non trouvée

note: 4Le blues des Premières Nations benjamin. - 27 mars 2020

Johnny n’a qu’un seul projet : partir. Quitter au plus vite Pine Ridge, réserve indienne oubliée de tous au fin fond du Dakota du sud. Laisser derrière lui les petits trafics, le désœuvrement quotidien, l’absence de perspective et la résignation généralisée… Alors que son père meurt brutalement, il va bientôt prendre conscience que cela signifie également abandonner sa famille (sa mère, sa petite sœur Jashaun, ses nombreux demi-frères) ainsi que ses racines, bien plus profondes qu’il ne pensait. Que reste-t-il de la culture amérindienne au XXIème siècle ? À travers ce magnifique portrait d’une communauté unie dans l’adversité, la cinéaste Chloé Zhao répond à cette question et dresse un état des lieux tout en finesse de la condition du peuple amérindien aujourd’hui, grand oublié de l’Histoire à qui l’on a toujours tout imposé sans se soucier de ses désirs et de ses richesses pourtant immenses ! Un constat lucide, pour un film puissant et émouvant.

Bacurau (Kleber Mendonça Filho)

note: 5Politique et fantastique : un grand film hybride benjamin. - 27 mars 2020

Dès la scène d'ouverture on sent que quelque chose ne va pas : une mystérieuse menace plane sur ce petit village reculé du Brésil et sur ses habitants. Des impacts de balles, un bug informatique, d'étranges touristes... Les signes se multiplient et s'aggravent. Mais qui cherche à leur nuire, et pourquoi ?! Kleber Mendonça Filho prend son temps pour bien installer sa situation, nous présenter cette petite communauté de personnages de plus en plus attachants, et préciser l'objet de leur persécution. Laissez-vous gagner par l'atmosphère étrange qui règne sur ce film, et rassurez-vous : tout vous sera expliqué !

Après "Les Bruits de Recife" et "Aquarius" (plus qu'excellents, et tous 2 disponibles dans les collections numérique et DVD de la bibliothèque), le cinéaste brésilien confirme son immense talent en nous offrant avec "Bacurau" un film de genre excitant, vibrant hommage à John Carpenter (si si, vous verrez !), et une charge acerbe contre le monde contemporain tel qui ne va plus (dominé par l'argent, le cynisme et la violence), auquel il oppose ce village, cette population locale à qui il ne reste qu'une chose : la solidarité.

The wolfpack (Crystal Moselle)

note: 4Ma vie confinée... benjamin. - 24 mars 2020

Question d'actualité : quel serait l’état d’esprit d’un adolescent ayant vécu enfermé, isolé de tout contact extérieur, durant la totalité de son enfance ? Quelle vision du monde développerait-il ? Quelle serait son identité ? Cette douloureuse expérience, fantasme démiurgique des scientifiques les plus dérangés, a bien été vécue par la fratrie Angulo. Élevés au cœur même de New-York, mais privés de tout contact direct avec le monde extérieur, ils ne le connaissent que par le truchement du cinéma d’action commercial qu’affectionne leur père, à la fois tyran paranoïaque et utopiste naïf, responsable de leur emprisonnement. Un jour, enfin, ils sont autorisés à sortir de leur appartement ; c’est ainsi que les rencontre la cinéaste Crystal Moselle. En résulte "The Wolfpack", documentaire extraordinaire, fascinant, portrait de groupe hors du commun à l’image de ces "enfants sauvages" modernes aujourd’hui libérés, autorisés à découvrir la mer, les arbres et leurs semblables, et à qui l’on souhaite une longue et belle vie !

Winter Brothers (Hlynur Palmason)

note: 4Un hiver sans fin... benjamin. - 1 février 2020

Emil est jeune, frondeur et épris de liberté, mais comme prisonnier de sa propre vie : mineur de fond dans une région extrêmement isolée, son monde se réduit au mobil-home qu’il partage avec son frère et au travail infernal et harassant. Son besoin d’exister (pour lui et aux yeux des autres) le pousse de plus en plus à contester l’autorité, à enfreindre les règles... De la temporalité incertaine (à quelle époque peut bien se dérouler cette histoire ?) aux décors d’une blancheur envahissante (presque angoissante), tout ici vient souligner le manque de repère, et replier ce monde sur lui-même. Au-delà des paysages enneigés, des ciels monochromes, c’est surtout la poussière de calcaire omniprésente que l’on remarque, rapidement transformée en boue collant aux chaussures, aux vêtements, à la peau ! Emil s'y englue, elle l'étouffe, symbole d’une vie sans échappatoire. Un scénario et une mise en scène implacables, et un acteur totalement habité par son rôle, font de ce film sec et nerveux une excellente surprise à découvrir !

Lahs (Allah Las)

note: 3Rock à la cool benjamin. - 21 janvier 2020

S'il n'atteint pas le niveau de leur 1er, sorti en 2012 (vraiment chouette !), voici un bel album de rock détendu, truffé de réverbérations et de trouvailles sonores, qui contient de très belles parties de guitare ("in th air", "roco ono", light yearly" pour ne citer que ces morceaux). Excellents musiciens, les Allah-Las se placent depuis leurs débuts délibérément dans la droite ligne des groupes et productions sixties (entre surf, garage et psychédélisme) sans jamais s'en éloigner. Plutôt planant, jamais agressif, c'est peut-être le seul bémol : ça peut parfois manquer d'un peu de caractère...

Sorry to bother you (Boots Riley)

note: 4travailler à tout prix ! benjamin. - 16 octobre 2019

Cassius est noir, jeune, gentil et plein de bonne volonté. Cassius a besoin d'argent ; il cherche un emploi...à tout prix ! On ne lui laisse que 2 choix : le télémarketing ou ces mystérieuses « fermes à travailleurs » dont les publicités vantent les mérites à longueur de spots... Cassius se pose donc la question : le monde serait-il devenu fou ? Et à quel point ?!
Voici un exemple de « comédie politique d'anticipation ». A un rythme effréné, notre personnage et ses amis vont être confrontés à l'absurdité d'un monde totalement aliénant, en roue libre, dans lequel seuls comptent le profit à outrance, la rentabilité immédiate et l'individualisme forcené. Cassius jouera-t-il le jeu ?
Sous ses airs de pamphlet débridé, voire parfaitement déjanté, "Sorry to Bother You" se révèle une formidable réflexion sur notre société en cours d'uberisation. Derrière la loufoquerie apparente se cache en effet une satire féroce et pertinente aux multiples questionnements.
Parfois déroutant, ce film drôle, corrosif, au scénario bien construit, n'hésite pas à pousser le bouchon afin d'aller jusqu'au bout de son idée. L'inventivité constante de la mise en scène, la qualité de jeu des acteurs et l'énergie de l'ensemble emportent le morceau ! A ranger entre "BlacKKKlansman" et "Dear White People", deux autres comédies afro-américaines aux interrogations ultra-contemporaines.

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